lundi 14 juin 2010

Maroc, en route vers Sebta

Après Marrakech

Marrakech à Fès
Le dimanche 30 mai, nous voilà à nouveau lancées sur nos selles. Direction Sebta ( à 950 kms), enclave espagnole au nord du Maroc où nous prendrons le bateau pour le continent européen à Algezira.
Après Marrakech nous empruntons une petite route dans la campagne, elle mène aux cascades d'Ouzoud. Les paysages traversés ne lassent pas nos yeux. C'est l'époque des moissons de blés, les travailleurs sont dans les champs d'or et les bottes jaunes immenses sont transportées sur les mûles. D'autres couleurs se mèlent à cette belle palette de jaunes, du rose éclatant des lauriers fleuris à l'ocre de la terre des montagnes, et au vert des oliviers.
Après Sidi Rahal, nous continuons vers Demnate. Nous y buvons un café avant de planter la tente plus loin dans un champ d'oliviers. On y rencontre Mohammed qui nous offre un thé et nous parle du Maroc.

Les journées, il fait chaud. le soleil brûle déjà la peau vers 8h. Programme quotidien : se lever tôt, s'arrêter à 11h30 sous un olivier bienvenu, tourner autour de son tronc pour rester sous son ombre jusqu'à 16h environ, repartir sous les 40 degrés qui ne daignent pas baisser avant la tombée de la nuit. Et pourtant c'est tellement plus facile comparé aux trois mois de l'hiver. On peut laver nos fringues, ils sèchent sur nous instantanément. Les cheveux aussi. On n'a pas les pieds et les mains gelés. Les duvets ne sont pas humides. On peut s'assoeir par terre. On peut marcher pieds nus. On peut faire de longues pauses. Les journées durent plus de 15h, le glaive de la nuit ne pèse plus sur nous, nous fixant les horaires et nous obligeant à planifier le parcours. La pluie ne nous chasse pas du bivouac le matin. Bref, on prend le temps...

On arrive à Ouzoud le 1er juin. Le village est construit au dessus des cascades qui se jettent dans un vacarme au fond du canyon. Nous descendons par un petit chemin dans la végétation luxuriante. De l'autre côté, les touristes descendent par un escalier aménagé. Le décor est digne de la forêt amazonienne, tout est vert et la terre humide, quelques grands singes se baladent sur les rochers. Au bas des cascades, on s'installe dans un cabanon en terrasse qui fait camping et restaurant pour boire un jus d'orange face au spectacle retentissant de l'eau qui tombe d'une centaine de mètres. On remonte au village où on passera la nuit au camping de Sami.


Le lendemain, on passe les deux cols après Ouzoud. La route continue entre les pins, le canyon se dévoile de temps à autre sur notre gauche. On achète du miel de la région de Moulay-Aîssa-Bendriss puis on rejoint la Nationale 8 après une belle descente. Là ça trace, on longe maintenant les montagnes de l'Atlas dans la plaine agricole. Sur cette ligne droite interminable, des jeunes à vélo accompagnent notre avancée. Ils sont à trois sur deux vélos. Ils discutent, nous montrent leur école puis disparraissent. Cinq minutes après les voilà à nouveau à notre hauteur, ils s'étaient arrêtés acheter des bonbons. Un est mis dans nos poches pour les coups dur. Les plus grands aussi nous font la conversation en route, comme Ichem qui finalement nous invite à boire un thé. Et comme souvent, on commence à s'arrêter boire le thé et on finit par rester la nuit. Ichem habite avec sa famille, une maison modeste sur le bord de la N8. Petite maison en pisé, très belle aux couleurs roses bonbon. On installe la table de plastique dans le jardin entre les mandariniers, les coqs et le cheval et dégustons les crèpes marocaines, quelques olives et le thé. Les femmes préparent le repas installées sur l'herbe, les jeunes filles sont astreintes à la leçon de cuisine. Plus tard Ichem nous montre les champs de sa famille accompagnés d'un frère, d'un oncle et d'un ami : betteraves (pour le sucre), tomates, olives, haricots blancs... On s'installe à l'étage, une pièce avec des tapis au sol où on s'assoeit avec les hommes de la maison et le petit dernier de 2 mois face à la Tv. Au repas qu'on a demandé léger, soupe harira (farine, lentilles et légumes), brochettes de dinde, pain et sodas.

Au matin, on part après un petit déj' berbère : pain, huile d'olive et thé. Le soleil est encore caché par un voile de nuages bas. On avale les 36 kms jusqu'à Beni Mellal puis empruntons une plus petite route avec moins de circulation. Le midi, comme toujours installées sous un olivier, un jeune ado vient nous tenir compagnie. Il doit avoir 14 ans mais commence à devenir un peu entreprenant et collant. Celui ci veut se marier pour qu'on l'emmène en France. - Notre adresse? On en a pas. On vit sur nos vélos. On hausse le ton, on lui dit qu'on est déjà mariées, on à la trentaine et trois enfants. Ca y est nous voici tranquilles.


On passe à côté du lac du barrage de Ahmed El Hansali. Un immense lac. On y était passé lors d'un précédent voyage au Maroc, le lac existe donc depuis au moins 8 ans mais n'est pourtant pas mentionné sur la carte. Plus loin on voit des enfants qui jettent des cailloux sur des arbres. Pleins de petits fruits en tombent. - C'est des "touts". On fait de même et remplissons une gamelle de ses petites framboises blanches et violettes au bon goût sucré. On passe Azrou, très belle petite ville de montagne, aux arbres méditerranéens. Les mêmes grands oiseaux blancs qu'en Egypte ornent un pin sylvestre face à la mosquée. Leurs noms ici sont طاتر و بقرة "oiseau et vache", l'oiseau blanc gracieux est l'ami du paysan. La ville suivante, Ifrane, est moins attrayante. Construites par les français, elle est faite de maisons secondaires dans un décor de ville suisse fantôme bien loin de l'atmosphère du Maroc. On y passe rapidement. Immouzèr est bien plus sympathique. Après quelques pas dans le fatras du marché, on s'assoeit au café où on rencontre Ali d'Azrou. Passé 16h, on peut repartir, le soleil se fait moins violent.

Au dessus d'Azrou

Fès
Un petit hôtel, le moins cher, et c'est parti pour visiter la médina. On s'arrête d'abord pour un qassab, ce jus de sucre de canne tant apprécié en Egypte, c'est pas tous les jours qu'on reverra un vendeur de ce jus délicieux. Le vendeur d'ailleurs, c'est Hassan et il nous invite le soir pour un tagine dans sa famille.
Les dédales de la médina de Fès sont en pente, la ville grapille sa place sur la montagne. L'architecture est totalement différente de la médina de Marrakech aux couleurs roses terre. Ici les maisons sont faites de pierres blanches, mais les couleurs des échoppes et de leurs produits rehaussent le tout. On atteris face à Bab Boujloud, la porte bleue, sublime, puis repartons nous perdre dans les ruelles. Un homme porte sur sa charrette des peaux tout juste dépecées, ça sent fort. Plus loin, il y a l'odeur du cuir des babouches, les épices. Puis le bruit des artisans, travaillant coincés entre deux autres emplacements, comme le cordonnier qui resemellent nos babouches entre un vendeur de légumes et un marchand de fripes.


Souk de Fès

Le soir, Hassan nous conduit chez lui entre les rues étroites. On passe une porte. On rencontre sa femme Wafa, sa fille Afaf, et d'autres membres de la famille. La maison est jolie, avec la petite cour intérieure, la cuisine minuscule. vers 23h, le tagine n'est pas en route, on commence à se demander si on mangera. Wafa nous propose qu'une voisine, tout juste arrivée, nous fasse du henné. On tend nos mains et la fille trace avec la plante pateuse des fleurs, des lignes, et autres dessins. Puis elle s'en va. Hassan nous questionne - Qu'avez vous donnez à la fille? Il faut lui donner un petit quelque chose. - Ok et bien qu'elle revienne. La fille revient. - 200 Dirhams. On essaye de faire du troc, de baisser le prix exhorbitant. Rien à faire, la fille s'énerve, la famille aussi. Le prix n'a pas été annoncé, on argumente que, pour nous, faire des portraits des gens c'est pour le plaisir. Wafa nous rétorque alors qu'on vole le Maroc avec nos croquis puisqu'on l'utilise dans nos dessins. Qui vole qui? Peut-être devons nous payer le repas aussi... On se fait limite jeter dehors après avoir déballer la monnaie qu'il nous reste sur la table, 90 Dirhams. Apparemment ça leur suffit. On arpente les rues en quête de quelque chose à manger. Mais les estomacs sont noués. On se trouve un sandwich à la viande, un bui bui encore ouvert dans une ruelle presque déserte. Le pire c'est que le henné n'a même pas marché! après trois jours on ne voit plus rien, la fille a sûrement dessiné avec de la purée de lentilles...

La porte bleue de Fès

Le Rif
Après plein d'indications on se retrouve quand même sur la mauvaise route à la sortie de la ville, on fera nos premiers kilomètres sur ces petites routes de campagne avec un super détour d'une journée. Guy un cyclotouriste croisé à Marrakech nous a conseillé cette route au milieu des montagnes du Rif, elle mène à Chefchaouen. - Une route défoncée, pas des nids de poule mais de dinosaures, un casse-pattes de montée et descentes mais un paysage magnifique.
Un casse-pattes, en effet. La route monte et descend sans arrêt. Et en plus, on a le vent de face. Quand les dizaines de gamins à la sortie d'une école nous poussent les vélos ça va mieux pour la montée. Mais on attend la descente avec d'autant plus d'impatience qu'ils commencent à mettre les mains dans les saccoches et à crier un peu fort dans nos oreilles. Les adultes les grondent, on est tranquilles sur une vingtaine de mètres puis voilà la masse qui nous rattrappe.
Le paysage avant Ourzagh est rural, les paysans aux moissons, les troupeaux de vaches et de chèvres, les mûles chargées de foin, les tracteurs.

Les montagnes du Rif

Après le lac de Al-Wahda la route semble encore plus absurde. La ligne semble tracée aux endroits les plus improbables où personne n'aurait jamais pensé mettre une route, c'est à dire là où il y a le plus de pente. Pas que ce soit plus direct car la route fait 3 000 détours. On fait du 5 kms à l'heure. L'endroit est le lieu idéal pour la culture du hachich. Dans les forêts du Rif et dans les villages en toits de tôle perchés sur les hauteurs, on sent les effluves de cannabis séché qui passe dans nos narines. Les gens ne sont pourtant pas dangeureux et comme d'habidude, on laisse les recommandations et à-prioris de côté, d'autant plus que l'homme qui nous a le plus déconseillé l'endroit voulait nous vendre son gîte. On continue de se faire inviter à manger, la seule différence est qu'on nous propose aussi, par la même occasion d'acheter du hach'. On s'arrête dans un village prendre de l'eau. On part dans un sentier indiqué par un paysan, on aperçoit la fontaine avec les femmes qui font leur lessive. Entre un "Salam" et un "Bislama" on remplit nos bouteilles puis remontons sur la route.


Ourzagh

A Tabouda, on s'arrête. Ras le bol des montées descentes, qu'en une heure, on face deux kilomètres à vol d'oiseau... On attend le bus. On l'attendra tout l'après-midi et jusqu'au lendemain. On s'installe au café, un vieux, le patron Nordin, et un jeune Abderrazak s'assoeient à notre table. Ils nous tiennent compagnie toute l'après-midi avec quelques enfants dont on fait les portraits. On croque aussi un jeune qui fume la pipe traditionnelle dont quelques nuages de cannabis parfument la terrasse. Nordin, le patron, nous offre du thé, des figues, et des citrons qu'il se met dans les trous de nez pour expliquer que c'est bon pour la respiration. Les jeunes rigolent. - Vous avez déjà mangé le "bisara"? nous demande Abderrazak qui parle français.
- Qu'est ce que c'est?
Après un coup de fil, on en saura presque plus.
- Un plat traditionnel marocain.
Qui peut en faire? demande Nordin. Fatima? Son jeune fils pars et au bout d'une demi heure, la cuisinière inconnue nous a préparé un plat de purée de petites pois à l'huile d'olive, le "bisara".

Le soir on est invité à dormir chez Tayeb. On y plante la tente dans le jardin et nous y cachons tôt se faisant discrètes toute la soirée car la femme du monsieur à l'air quelque peut surprise et fachée de nous voir. Pourtant, le lendemain, Norah nous accueille avec le sourire. On fait les portraits de ses trois enfants et de leurs copains tandis qu'elle repeint la maison. En l'agréable compagnie de cette famille nous attendons le bus.


Les enfants à Tabouda

Le bus, on nous dit qu'il arrivera à 10h, puis finalement 14h, et finalement peut être 15h. En plus chacun à une heure différente à sa montre. Le fait que nous puissions un jour voir ce bus commence à tenir de l'impossible. On se demande même s'il existe vraiment. A 15h, heure de nos montres, on part attendre le bus probable. Il y a une installation après le pont que nous ne trouvons pas, on s'installe près d'une maison perdue au milieu de nulle part complètement désespérées. Et là, miracle, on aperçoit au loin quelque chose qui pourrait s'apparenter à la facade d'un car. Il s'arrête, on enfourche nos bicyclettes et fonçons à toute vitesse vers l'engin providentiel. -Vous allez à Chefchaouen? La réponse est plus belle que toutes nos éspérances. Nos vélos sont montés sur le toit avec des ficelles tandis que nous montons dans le bus délabré. Certains sièges sont sans assises, celles cis ne sont pas fixes, d'autres sièges sont accrochés avec des fils de fer rouillés. Tout ce matériel branlant et nous mêmes sommes secoués en tous sens sur la route défoncée dans cet engin fou digne des transports égyptien. mais quel plaisir d'arriver à Chefchaouen après 50 kms qui nous aurait pris deux jours de vélo sur cette route aux pentes d'enfer.

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5 commentaires:

  1. Coucou les aventuriers !

    Oh que le début de votre article m'a mise en joie ! Chaque coup de pédale vous rapporche de "la maison" ! :D
    En tout cas tout ça me donne envie de partir à la découverte de tout ces endroits qui ont l'air magnifique (mais pas à vélo, je me contenterais de l'avion ou du bateau !)
    Tres gros bisous ! A très bientôt !

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  2. Salut les Filles,
    J'espère que le retour sur les selles de vos fidèles destriers n'a pas été trop dur à part bien sûr les longues montées...
    Dimanche dernier nous avons fait une sortie avec le CAF Hte Vosges au col du Bonhomme par un temps...plus que pluvieux!! Ce qui nous a obligé à nous réfugier pour manger au centre VTT de Blancrupt et de renoncer (si,si!) à notre Syrah dominicale!!Saleté de temps...
    Encore un weekend sans rouge et ce n'est pas le prochain qui permettra de se rattraper-24 h de St Amarin oblige-. une prochaine fois...
    Bravo encore pour le Toubkal, le récit, les photos et les croquis (comme d'hab. d'ailleurs!)
    A bientôt (vous approchez à grands "pas"!)
    BONNE ROUTE
    MacGyver

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  3. Salut les filles, le petit canard sur le vélo de Delphine tiens bien le coup et il est toujours aussi fringant, comme vous. J'ai remarqué sur une photo que vous avez de drôles de traces de bronzage sur vos pieds.Je pars demain pour faire la traversée de la Forêt Noire à VTT, ce n'est pas votre périple, mais on fait ce qu'on peut. Gros bisous à vous deux.
    L'affûté.

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  4. Coucou les filles. Merci pour votre carte de Fès. Avec votre récit, ça donne envi...
    A ce jour, vous êtes déja en Espagne. Que le temps passe vite ; plus que quelques semaines de découvertes. Mais ce sera aussi un grand plaisir de vous revoir. A bientôt.
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  5. Toujours gaillardes...
    on partage maintenant la chaleur avec vous car elle remonte jusque dans l'Est de la France. C'est sûr que ça change du froid d'avant. Profitez bien et félicitations pour votre mariage...(d'après l'histoire racontée).
    Ici, on parlait du foot et de la France jusqu'à ce que même les joueurs fassent grève. On n arrête pas le progrès. Alors profitez bien des paysages et rencontres certainement plus exotique et passionnant. Bises et au plaisir de vous revoir bientôt maintenant

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